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CEYLAN.

Mill en Angleterre et M. Taine en France crée en noua l’illusion du moi substance, la plus pernicieuse de toutes, disent les bouddhistes, le principal piège que nous dresse Mara le tentateur ; car elle est le lien qui nous attache aux choses, le grand mirage qui nous arrache à l’immobilité et à l’indifférence pour nous jeter dans l’action et nous pou en avant. Le bouddhisme l’appelle hérésie, hérésie de l’individualité (sakkaya ditthi).

Une fois admis qu’il n’y a dans le monde qu’un écoulement d’apparences, que ni en nous, ni en dehors de nous, rien ne persiste, la pratique devient claire. Ce moi, qui lui semblait si important, l’homme le reconnaît pour une illusion. Aussitôt il est affranchi, il n’aspire plus à continuel moi, il cesse de faire effort et de désirer, il a perdu la soif de la vie et, par là, il s’est dérobé à la douleur. Car d’où vient la douleur ? Précisément de ces événements qui constituent l’existence personnelle, naissance, vieillesse, maladie, décrépitude, mort. Et pourquoi donc événements sont-ils souffrance ? Part ce que l’illusion du moi, d’où sort la volonté de vivre et de persister dans notre être, créant le désir et la crainte, nous fait repousser ces événements et désirer leur contraire. Déracinons nous cet amour de l’être, et, cessant de vouloir, d’agir, de penser, échappant à la loi universelle du changement, nous deviendrons inaccessibles à la

A. Chevrillon. — Dans l’Inde.
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