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DANS L’INDE.

çoivent les offrandes. Nous passons sous une grille d’argent, et nous voici dans l’ombre d’une grande salle où de petites lampes sacrées font des lumières mystérieuses. Des parfums montent de cent cassolettes, s’épandent en nappes bleuâtres qui flottent immobiles, et cet encens lourd, assoupissant, donne à toute la scène je ne sais quoi d’irréel et de fantastique. Çà et là, demi-visibles dans l’obscurité, des silhouettes inquiétantes de grands Bouddhas, Bouddhas couchés, Bouddhas accroupis, qui reposent au-dessus des fleurs.

Nous montons un escalier ténébreux, bordé de fresques vagues où des démons s’agitent confusément parmi les flammes. En haut, debout, derrière une balustrade d’argent, les prêtres reçoivent les fleurs que le peuple dévot dépose sur une grande table. Devant la foule muette, un adolescent très beau est immobile, ses bras nus chargés d’un monceau de frangipanes et de jasmins. Après l’offrande, il s’est courbé plusieurs fois devant l’image, et maintenant il s’arrête à demi incliné, les deux mains croisées sur la poitrine, avec un sourire de ses belles lèvres arquées, de ses longs yeux d’émail, un étrange sourire mystique et sauvage… Un grand silence pèse, soudain rompu par la vibration profonde du tam-tam et de la trompette, par la mélopée asiatique qui moule d’en bas. Mais de la foule aucun bruit ne sort. Sous les veilleuses sacrées, les