Page:Chevrillon - Dans l’Inde.djvu/34

Cette page n’a pas encore été corrigée
24
DANS L’INDE.

les nobles palmes lumineuses font des transparences vertes sur le ciel. Quelquefois les routes apparaissent, dans l’éclat des fleurs, comme des rubans rouges, et une extraordinaire senteur tiède, une senteur de serre, monte de cette terre pourprée.

Tout près de nous, demi-cachées par un rideau de lianes, deux hautes masses sombres, ternes comme les rocs, remuent, et je reconnais deux éléphants. Pacifiques, imperturbables, leurs vastes têtes baissées, balayant la terre de leurs trompes pendantes, leurs larges pieds étalés mollement dans la poussière rouge, ils cheminent sans hâte, ils passent comme endormis, berçant de leur mouvement monotone leurs cornacs, qui somnolent aussi. Pourquoi donc saisit-elle ainsi, la soudaine vision de ces monstres, dans le cadre de cette nature équatoriale ? Est-ce parce qu’ils sont chez eux dans ces fourrés, parce que l’on sait que là-bas, derrière les montagnes, leurs frères errent encore en liberté, parce qu’ils font partie de ce monde, parce qu’ils sont la manifestation vivante de cette nature, comme ces cocotiers ?

Nous montons toujours, accrochés maintenant au flanc des rochers, contournant des précipices. A cette hauteur, la végétation est moins folle et l’homme peut lutter avec elle : les plantations de café et de cacao commencent. A présent, nous dormirons un cirque immense qui descend au-dessous