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EN MER.

pourtant lourd d’émotion. Des figures apparaissent comme dans une vapeur qui se déchire et se referme : des épaisseurs de feuillage jettent une clarté verte, un coin de route mouillée tourne dans l’ombre entre des genêts fleuris, de petits arbres sombres se tordent sur un ciel gris, quelques toits de chaumières luisent, lavés par la pluie…

Pourquoi donc aujourd’hui n’ai-je pu chasser la vision d’un coin de cette triste rade de Brest ? — Je la vois encore : c’est au delà du Portzic. Solitude absolue. Des champs nus, des champs navrés d’hiver font des carrés ternes entre de petites haies non Le vent vient avec les nuages : ils montent, et, insensiblement, tissent un grand voile pâle sur le ciel. Trois arbres frôlent et froissent leurs grêles ramures. Derrière est le Goulet : que cette eau est froide et grise, tourmentée d’un frisson obscur qui va s’irradiant du point où tremble le morue soleil réfléchi ! On frisson la tourmente entre les deux côtes qui semblent de fer rouillé. Sur ces falaises, pas un détail, pas un accident dans la couleur. Rien que l’âpre et dure silhouette. Sensation profonde de mélancolie amère, non passagère, mais éternelle. Ces pierres, ces ajoncs, cette eau, ce petit vent glacé, il semble que tout cela ait toujours souffert ainsi, durement et patiemment. Longtemps, longtemps l’eau grise frissonne entre les deux murailles de touillé. Enfin, on remarque une chose étrange : au-