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meura, & M. Brochure, le Colporteur le mieux fourni & le plus ſcandaleux du Royaume, entra.

Des Lecteurs impatiens me demanderont peut-être quelle étoit la Marquiſe de Sarmé ; je leur répondrai que c’étoit une de ces femmes qui, ne pouvant plus compter ſur leurs appas altérés par le tems & par les plaiſirs, ſe font un mérite de leur fortune, & qu’elles réparent avec leur argent les déſordres des années. La Marquiſe joignoit à cette généroſité néceſſaire un goût affecté pour tous les ouvrages nouveaux : aimant ſur-tout à protéger les gens de lettres, ſa maiſon leur étoit ouverte dans tous les tems, & jamais on ne prit chez M. de La Popeliniere[1] autant d’indigeſtions qu’à la table de Madame de Sarmé. Il eſt vrai que ſes convives étoient de toutes les eſpeces, & quand elle ne pouvoit avoir d’Auteurs ni de Comédiens du premier ordre, elle prenoit des écrivaſſiers & des hiſtrions ; & ſi Diderot & Carlin lui manquoient, elle vouloit bien ſe borner à des Paliſſot & à des Marignan[2] :

  1. Fameux Fermier Général, dont la maiſon eſt appellée la Ménagerie.
  2. Mauvais ſujet, & plus mauvais arlequin ; il a le talent de ſurprendre des applaudiſſemens de ceux qui n’ont jamais vu l’arlequin de Paris. Au demeurant il a été chaſſé de Lyon pour un cas grave ; & de Paris, parce qu’on n’y aime que le bon, & qu’on n’y ſupporte que la médiocrité.