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10 LE COLPORTEUR

bonne : et la Marquise ne voyant plus que des parasites et des escrocs qui avoient besoin d’elle, devint précieuse par orgueil, méchante par nécessité.

Je pourrois étendre ce portrait, mais cette femme qui ne sçait plus dissimuler, va se peindre elle-même dans cette production : ne suspendons point la marche de l’histoire, et suivons M. Brochure qui entre dans le cabinet de toilette de M me de Sarmé.

« Qu’avez-vous-là, Monsieur, lui dit la Marquise, n’est-ce pas une feuille de Fréron ? — Je ne négocie plus avec lui, reprit le Colporteur, depuis que M. de Voltaire s’est avisé d’en faire le funeste héros de l'Écossaise : d’ailleurs, j’ai à me plaindre de ses procédés : il y a quelques mois que, voulant porter le deuil du Duc de Bourgogne, il me demanda un habit noir que je lui prêtai, et qu’il a oublié de me rendre. Ces actions ne se faisant point entre gens du métier, j’ai rompu avec lui, et les personnes honnêtes commencent à m’estimer. — Quelle est donc la feuille que vous tenez, reprit la Marquise ? — C’est, répartît Brochure, un Arrêt du Parlement. .. — Y pensez-vous, répondit Mme de Sarmé, de me présenter de pareils écrits ; et voulez-vous que j’aille parler le langage du barreau ? — Je veux, dit le Colporteur, que Madame s’amuse ; et l’Arrêt que j’ai l’honneur de lui présenter, remplira parfaitement mon objet. — Eh bien, Brochure, que dit donc ton Arrêt ? s’écria le Chevalier. — Il dit, répliqua le Colporteur, qu’avec de la patience on vient à bout de tout. Écoutez et louez la sagesse de nos Magistrats.

« Il y a, continua Brochure d’un ton pompeux, des Rois sur la terre : le Ciel veut qu’on regarde leur personne comme sacrée : cependant il s’est trouvé en France, en Portugal et ailleurs, des scélérats qui ont attenté sur les jours de leurs Souverains ; et lorsque ces exécrables