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galité d’aptitude des hommes ; Rousseau raisonnant d’après la supposition que l’homme dégénère en société au point de vue moral aussi bien qu’au point de vue physique ; Condillac expliquant l’instinct des animaux par l’imitation ou par une transmission des ascendants à leurs petits ! Qui pourrait assurer que le résultat d’une discussion libre, sérieuse et prolongée, n’eût pas alors éclairé plus d’un esprit séduit par des hypothèses qu’il croyait des vérités.

10.L’homme avec ses facultés si excessivement bornées, quand on le considère relativement à la découverte de la vérité absolue, se trouve, en toute chose qu’il doit connaître, entre l’écueil de l’extrême crédulité et celui de l’extrême doute.

Les théologiens ont fixé leur attention sur cet état de choses, en ce qui est eu dehors des traditions sacrées ou du domaine de la foi. Par exemple, lorsqu’il fut question de la baguette divinatoire de 1689 à 1702, on examina, dans le cas où elle donnait des indications justes, si elle n’était point l’organe de Dieu, ou d’un ange, ou de Satan. Le père Ménestrier, auteur de la Philosophie des images énigmatiques (1694), chercha à démontrer qu’elle était sous l’influence de Satan, parce que, disait-il, aucune tradition n’avait annoncé, ni même donné lieu à ce qu’on en induisît qu’un jour une baguette manifesterait à l’homme la parole de Dieu ou d’un ange. Le père Lebrun, qui, un an avant le père Ménestrier, avait professé la même opinion, y revint en 1702, dans son Histoire critique des pratiques superstitieuses qui ont séduit les peuples et embarrassé les savants ;