XXXVII
ses traits d’esprit ne sont que des réminiscences. Son originalité
était nulle et son érudition mal digérée. Ses bons mots manquaient
parfois d’esprit. Mme de Sévigné le traitait comme un homme
sans conséquence ; Mme de Cressy et Mme de La Fayette le
bernaient.
Chevreau, au contraire, était estimé et honoré de tout le
monde pour son aménité, sa modestie et son savoir vivre. S’il
n’est guère plus original que Ménage ; s’il excelle particulièrement
en souvenirs érudits, il ne revendique jamais ce qui n’est pas à
lui et, bien loin de vouloir se parer, à l’insu de tous, des
dépouilles d’un autre, il a soin de proclamer ses emprunts, de
multiplier les témoignages. pour donner plus de poids à ses
propres assertions et mieux convaincre ses lecteurs.
Toutefois, en ce qui concerne la question qui nous occupe
actuellement, est-il possible de décider d’une façon absolue ?
Pour nous, Ménage a certainement beaucoup emprunté,
non seulement à Racan, dont les Mémoires servent le plus
souvent de prélude à l’appréciation des poésies de Malherbe1,
mais encore au travail de notre auteur. Autrement celui-ci l'eût-il
accusé aussi nettement et avec une telle insistance ? De fait, nous
aurons souvent l’occasion de signaler, à côté de différences
considérables, des ressemblances frappantes de rédaction et de
jugements entre les Observations de Ménage et les Remarques
tant imprimées que manuscrites de Chevreau sur les poésies de
Malherbe. Mais il nous est impossible de formuler une accusation
précise et formelle. Voici pourquoi.
La Mesnardiere, dont l’indiscrétion avait causé le larcin
relevé par Chevreau, est mort le 4 juin 1663 ; le manuscrit pillé
était donc antérieur à cette date. De plus, nous avons de notre
auteur une lettre à Mgr de la Trémoille, ainsi conçue pour la
partie qui nous intéresse.
« Monseigneur,
« ... je vous avertis qu’au premier jour on imprimera mes
Remarques sur Malherbe avec un grand nombre d’additions
qui n’ont pas déplu aux maîtres et, pourvu que je n’en sois
1. Elles indiquent généralement l’occasion, le lieu de la composition et le destina- taire de la poésie étudiée.