Page:Chevalley - Le Roman anglais de notre temps.djvu/94

Cette page n’a pas encore été corrigée

passent et se le repassent sans le changer. Il n’y a aucun mouvement dans les caractère». La seconde version marque une aggravation sensible du cabotinage et du libertinage.

A Mummer’s Wife, publié en 1884, a plus de vigueur et de force. C’est un des chefs-d’œuvre, et peut-être le chef-d’œuvre, du genre réaliste en Angleterre. Rien de plus triste, de plus poignant, que cette vie de femme. La chambre misérable, l’odeur pharmaceutique, la toux exaspérante du mari malade, l’abrutissement résigné de là pauvre créature qu’il a épousée et qu’il dégoûte, puis les aventures physiologiques et sentimentales de cette malheureuse, son amour insensé pour un acteur ambulant, qu’elle finit par suivre, la misère, l’ivrognerie, la mort du bébé tordu par les convulsions pendant que la mère cuve son gin, tout cela est d’une vérité sobre, d’une force volontairement retenue qui méritaient de faire impression. Esther Waters, qui parut dix ans plus tard, est un autre roman réaliste dont le succès fut plus vif parce que le monde des courses et celui des domestiques y sont dépeints avec exactitude. Mais ce livre n’a pas la valeur psychologique et littéraire de A Mummer’s Wife.

Déjà George Moore était en train de changer de modèle. C’est sous l’influence consciente ou inconsciente de Paul Bourget et de Henry James qu’il écrivait Evelyn Innes (1898) et Sister Teresa (1901), histoires mentales et sentimentales d’une magnifique créature, femme cultivée, grande chanteuse, grande artiste, qui devient religieuse, perd la foi par l’exercice de la piété, mais perd aussi la volonté, l’initiative, et finit par refermer, brisée, sur ce qui fut elle-même, la porte ouverte du couvent. Et tout cela est fort compliqué, George Moore passe ensuite au mysticisme, au symbo-