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Wilde. C’est une gageure hâtive à peine sauvée par le coloris et l’opulence verbale d’un ou deux chapitres. Aucune sincérité dans ce roman de gent-de-lettres. Pas un caractère qui tienne debout. Les traits d’esprit de Lord Henry Wotton, tant admirés en 1891, ne paraissent pas même spirituels aujourd’hui. Dorian Gray justifie la première partie du jugement d’Oscar Wilde quand il disait qu’il gardait son talent pour ses livres et mettait son génie dans sa vie. On sait où ce génie l’a conduit.


George Moore représente mieux le mélange de rosserie et d’esthétisme, de réalisme sordide et d’impressionnisme élégant qui, pendant l’avant-dermère décade du xixe siècle, essaima de France en Angleterre. La faculté de réfraction qu’a déployée cet Irlandais est un des phénomènes de notre temps. Il épousa successivement toutes les modes littéraires qui ont sévi sur sa génération. Né en 1853, il était vers la trentaine un de ces disciples de Zola qui contribuaient à discréditer le réalisme en ne l’appliquant qu’aux émotions les plus frustes de l’humanité.

Sous le titre Lewis Seymour and Some Women, il a refait récemment un de ses tout premiers livres : A Modern Lover (1883). Il serait instructif de comparer ces deux versions du même sujet, écrites par le même homme à trente ans de distance, ne fût-ce que pour en dégager la notion du cynisme à deux époques différentes. Mais ces aventures de gigolos britanniques se prêtent mal à un résumé sommaire. L’impudeur tranquille de ce jeune Bel-Ami qui se laisse aimer et en profite, n’a d’égale que l’inconscience de ses belles amies, l’une un peu mûre, l’autre un peu verte.

Une ouvrière, une bourgeoise, une patricienne se le