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de voir un romancier anglais vraiment célèbre en France avant qu’il ait, en Angleterre, épuisé sa vertu.

MM. Rudyard Kipling, H. G. Wells, Arnold Bennett et John Galsworthy, sont les seuls qui aient chez nous une incontestable notoriété. Or les deux premiers, qui trouvèrent du premier coup le succès entre 1890 et 1900, ont cessé d’exercer une influence sensible sur le sentiment et le goût public. Les deux derniers, qui commencèrent d’écrire vers 1900, paraissent épuiser leur puissance et leur emprise. C’est à des noms moins connus chez nous que va désormais la faveur des artistes et l’attention des lettrés. Nous aurons à les mentionner.


ii

Les Romanciers Fin de Siècle.

Pendant ces années entre 1880 et 1890 qui marquent le crépuscule et la fin de l’âge de Victoria, la confusion était extrême dans le roman anglais.

D’une part les décadents, les esthètes dégoûtés des éternelles controverses politiques et sociales qui, depuis cinquante années, alimentaient la fiction britannique, se rejettent dans une stérile attitude de détachement cynique, élégant, faussement supérieur. Tel Oscar Wilde. La formule de « l’Art pour l’Art » pouvait bien avoir sa valeur en tant que protestation contre l’art pour la morale, l’art pour la religion, l’art pour l’amusement. Elle était sans vertu, sans signification positive, et ne pouvait s’appliquer au roman sans le dessécher.

Les réalistes, les disciples de Zola, par exemple Hubert Crackanthorpe, et George Moore à ses débuts, s’efforçaient en vain d’acclimater en Angleterre la