Page:Chevalley - Le Roman anglais de notre temps.djvu/87

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même masque que l’Allemagne recevait, au même siècle, de la Prusse. Si l’on se résigne à l’une de ces généralisations simplificatrices qui accouchent la vérité tout en la déformant, c’est l’influence allemande qui dominait alors, non pas la vie, mais la vision intellectuelle et sentimentale de cette Angleterre si franche et si généreusement libre aux périodes les plus anglaises de son existence.

Au xixme siècle, Carlyle, apôtre du germanisme littéraire, fut plus écouté, mieux suivi, dit M. Harold Williams, que Matthew Arnold, partisan du génie gaulois et latin dont il ne voyait d’ailleurs que le côté intellectuel.

Et sans doute, il y eut bien autre chose dans la littérature anglaise au xixme siècle que ce germanisme en diffusion, irradiant d’une cour à moitié allemande, qui colorait, sans même avoir à s’exprimer, les mœurs et les sentiments, la forme et le fonds, dans la vie comme dans le roman[1].

Il y eut bien autre chose, mais il y eut cela partout, ou presque. Et l’on y peut rapporter, sans trop d’erreur, ces traits fréquents des œuvres anglaises du xixme siècle, même les plus fortes : prédominance du point de vue moral, souci de respectabilité, mariage de la fiction et de l’édification, divorce entre les réalités bienséantes et les autres, abondance parfois pâteuse, insouci de la vérité en soi et pour soi ; sensibilité de vitrine, fleurs de gemüthlichkeit à tous les étalages. Tout cela, d’ailleurs, sans préjudice d’une vie spirituelle et morale qui atteignait la force et une naïve grandeur par la seule vertu de son intensité. À ces divers égards il y eut vraiment un âge victorien qui se termine vers 1890.

Depuis lors, il y eut vraiment, jusqu’à la guerre qui a

  1. Meredith et Hardy, par exemple, auteurs victoriens, écrivirent toute leur vie en marge de leur temps.