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l’épouser. Elle ne s’en repentit point, mais l’histoire de cette liaison est encore à faire. Il faut noter cependant que George Eliot, dans toute son œuvre, témoigne d’un respect et d’un regret émus pour la foi qu’elle a quittée, la convention qu’elle a violée, le mariage dont elle s’est passée. L’art de George Eliot s’éclairera quand sa vie sera tout à fait connue.

C’est un retour vers son passé de jeune fille qui, vers la quarantaine, la fait romancière. Scenes of Clerical Life (1858), Adam Bede (1859), The Mill on the Floss (1860), Silos Marner (1861) sont les souvenirs de sa vie de province, ses plus grandes œuvres, parmi lesquelles Adam Bede se détache avec relief. La gloire est venue à l’intellectuelle, à la savante, non par sa science, mais par l’expérience.

Elle ne le sait pas, ou ne le croit pas. Désormais, installée à son pupitre, elle croit pouvoir enseigner par ses romans la philosophie et la morale. Le fonds de poésie et de sympathie qui est en elle ne disparaît jamais complètement. Mais elle crée des types plutôt que des individus, procède explicitement par les inductions et les déductions, chères à Spencer, au lieu simplement de peindre et de raconter, partage le monde en espèces, en catégories. Romola (1863) est une reconstitution historique de Florence, Felix Holt (1866) un tableau de vie politique avec une anecdote d’héritier disparu, Middlemarch (1872) marque un retour à la vie de province, où trois histoires d’amour se mêlent interminablement à trois courants de pensée religieuse et philosophique. Daniel Deronda (1876) est un roman de la race israélite, puissant, intéressant à étudier, interminable à lire, sans grande vie ni vertu.

En somme, George Eliot, dont la renommée subit une