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En septembre 1848, Branwell meurt : opium, phtisie, delirium tremens. En décembre, Emily meurt, debout, énigmatique, farouche. En avril 1849, Anne meurt, douce et résignée. Charlotte les a soignés, aimés jusqu’au bout. Épuisée, elle finit néanmoins son second roman Shirley qui paraît à la fin de 1849. Elle fait quatre voyages à Londres, mais sans devenir femme de lettres. Elle ne veut être que femme, fille de pasteur, villageoise, enfin elle-même. C’est à Haworth qu’avec une peine infinie elle refond sa première œuvre, The Professer, et en fait Villette qui paraît au début de 1853. Sa tâche est finie. La romancière célèbre et qui ne veut pas de la gloire, la femme souffrante et qui n’attend rien de la destinée, accepte pourtant avec une pâle joie le mariage sans amour. Elle a trente-sept ans. Elle meurt enceinte, l’année d’après.

J’ai résumé cette vie, parce que, en dépit des intrigues sensationnelles, il n’y a presque rien dans la vie et dans la personne de Charlotte Brontë qui ne soit aussi dans ses romans.

Nous ne sommes pas en Angleterre, nous n’avons plus à ménager des mémoires encore vivantes. Le mari de Charlotte Brontë est mort en 1906. Longtemps avant, Mrs. Gaskell avait publié une Vie matériellement sincère des Brontë qui, à propos des relations entre Branwell et Mrs. Robinson, provoqua un procès retentissant. Le respect et la délicatesse qui sont de nature et de rigueur envers les femmes, même de génie, ne saurait empêcher de dire qu’avant tout les sœurs Brontë furent femmes, et femmes non satisfaites. Leur génie servit principalement dans l’histoire du roman anglais à introduire, à manifester, à imposer, en dépit du scandale, la toute-puissance de l’instinct sexuel, source de toute nature et de