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Il faut toujours en revenir à la révolte, raison d’être de la fiction, quand on explique l’évolution du roman britannique. La femme a été grande romancière au dix-neuvième siècle parce qu’elle ne peut souffrir les liens sans l’assentiment de l’instinct, de la nature, de l’amour, que la civilisation utilitaire de son temps lui imposait.

Depuis Jane Austen, il y eut, dans les œuvres des women novelists, une inquiétude, une irritation, qui ne firent que croître aux dépens de leur temps et de leurs contemporains. Elles ont été l’avant-garde des mouvements pour la réforme du mariage, du divorce, des lois sanitaires et sociales. Elles ont exprimé plus fortement cette lutte des sexes qui est faite d’amour et de haine. Il est possible, je n’en sais rien, que la longue paix démocratique et mercantile où deux ou trois générations d’Anglais vécurent sans exposer leur vie ait obscurément exaspéré l’instinct collectif et profond des femmes, qui, elles, risquent la leur à chaque maternité. Il est possible que l’holocauste de la grande guerre ait anéanti ce grief, ressuscité le prestige masculin.

Ce qui est certain, c’est qu’au dix-neuvième siècle le ton superficiel et satisfait des lettres de femmes est renié par les femmes de lettres. Quand Diana la romancière et la délicieuse Emma, son amie, s’entretiennent cœur à cœur, elles savent, dit Meredith,

« que les Anglais de leur temps riraient avec mépris de ce couple de femmes qui s’aventurent à les brocarder. Elles ne sont pas peu hostiles en conséquence. Elles lancent à profusion leurs épigrammes, et applaudissent d’autant plus qu’elles écorchent mieux la masse géante de l’intolérant ennemi, qui commande au jour présent, mais pas à celui de demain. Nous aussi, il nous tient aujourd’hui, il nous punit si nous avons des aspirations charnelles. Il répand ses dons sur ce qui est abject