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nation qui conduit à la caricature ; de sentiment et d’humeur qui conduit aux effets grossiers de larmes ou de rire ; excès de couleur, excès de verve, romantisme de carrefour bien fait pour son public et qui effarouche les délicats. Mais, derrière tous ces excès qui compromettent la valeur artistique des romans de Dickens, le don mystérieux de la vie, qui n’est jamais excessif, les rend pourtant inoubliables. Il avait une imagination si réaliste et si puissante, qu’il a non pas copié, mais créé des types. C’est une foire aux originaux que son œuvre. Ne demandons pas à Dickens ce qu’il n’avait pas.

Ni lettré, ni délicat, il écrivait pour la foule contemporaine, et atteint pourtant l’élite, même dans la postérité. Ni penseur, ni même moraliste conscient, bien qu’il ait écrit pour réformer ou dénoncer, il reste bourgeois, conventionnel, dans la peinture des mœurs. Et cependant, même les platitudes de son inspiration sont d’une telle verve qu’elles ressemblent à des paradoxes. Il a fait trépider l’humanité dans ses œuvres. Mais c’est la trépidation du mouvement contre l’atmosphère, de la vie contre la mort. On peut discuter Dickens, il est impossible de l’oublier.


C’est un lieu commun que d’opposer à Dickens son grand contemporain Thackeray. Tout y invite. Ils écrivaient au même moment, mais Thackeray arriva tard au succès. Il était réservé, délicat, il avait du goût, un style. Il n’assène pas les vérités, il les déroule. Le comique est aussi mesuré, mais aussi pénétrant chez lui que le pathétique est discret, efficace. Ses personnages ne se meuvent pas tout d’une pièce. Il les commente, mais ils se peignent eux-mêmes, et n’ont pas besoin d’étiquettes. Ce sont des gens de bonne compagnie et de bon ton chez