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plus complexes et une atmosphère plus agitée. L’évolution du roman a été comparée à un mouvement en spirale et la métaphore de l’escalier tournant fut employée à ce propos. Si l’on peut admettre qu’une abstraction se meut, ce n’est pas en hauteur ni en profondeur mais en surface que progresserait plutôt la courbe de la fiction britannique, recoupant à chaque tour les mêmes filons de vérité, les mêmes couches d’humanité, mais un peu plus loin dans le sens de la durée, avec d’autres aspects, une autre lumière, d’autres densités. À cet égard, le dix-neuvième siècle, époque de transformation générale, accélérée, tumultueuse, offrait au roman une matière spécialement riche, et pas seulement en quantité.

C’est aussi la qualité de l’observation humaine qui se trouve être désormais plus féconde, et de là le principal trait du roman anglais au dix-neuvième siècle.

L’objet de la fiction comme de la littérature britanniques avait, depuis plus d’un siècle, été plutôt l’homme social que l’homme tout court. C’était un âge de rapports plutôt que de valeurs. Le dix-neuvième siècle se passionna non pas seulement pour l’être humain dans ses relations avec lui-même, et les autres, et le monde, mais aussi, mais surtout, pour l’être humain en soi, sous toutes ses conditions. Le grand mouvement philosophique du dix-huitième siècle aboutissait en Angleterre à remettre au premier plan la dignité de la créature humaine, que le christianisme n’avait jamais oubliée mais jamais isolée. Désormais Créateur et créature tendront, même chez les croyants, à se confondre en se réalisant. Aucun des grands romanciers du dix-huitième siècle n’avait témoigné, comme dira Burns, qu’il est suffisant « qu’un homme soit un homme » pour se trouver digne, jusque dans sa caricature, d’une attention émerveillée, respectueuse, ou attendrie