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et sans émotion, comme dans les remarquables esquisses psychologiques d’Addison et de Steele. Avant, il y avait des parties du roman anglais, des attributs épars ou successifs de l’espèce.

Après, l’espèce nouvelle est née, avec tous ses organes. Elle fera de nouveaux bonds, se développera par le même procédé soudain, épidémique, irrésistible. Mais elle existe. L’essentiel est fait par la combinaison de l’action, de l’analyse, du sentiment. Le roman a en effet dès lors le récit, le caractère, l’émotion. Des exemples et des modèles sont créés, où s’affirme la prédominance tantôt de l’un, tantôt de l’autre de ces trois éléments. Mais ils sont là, tous en même temps, parfois chez le même homme, Fielding, par exemple. Ils sont là, comme dans l’âme humaine sont l’action, l’intelligence et la sensibilité.

D’autres apporteront l’ambiance, les rapports avec l’extérieur, le groupe, la race, la vie collective, le mystère de l’inexprimable. Le roman se développera comme la plante, par échanges avec l’atmosphère. Il en subira les poussières et les pollutions. Il contribuera suivant les circonstances à l’empoisonner et à la purifier. Il étendra son domaine à tous les domaines de l’univers, et à l’univers lui-même. Mais désormais il existe ; il a droit de cité parmi les hautes créations littéraires de tous les temps et de tous les pays.


§ iii
La Fin du XVIIIme Siècle

À la fin du dix-huitième siècle, le roman anglais, comme un fleuve arrivant en plaine, se divise en s’étalant.

D’une part, il étend son domaine. Sterne avait, à cet égard, été l’initiateur, le libérateur. Le roman risquait