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La vie intégrale de Mary tout entière — vie intellectuelle, affective, familiale, amoureuse, tragique — s’inscrit dans cet ouvrage, depuis son enfance jusqu’à l’âge mûr, au milieu des destins précis et détaillés de toute sa famille. Le livre est tout en paragraphes. La brièveté de chaque « moment » dans ce vaste ensemble en fait ressortir l’immensité. Le ton, parfois apocalyptique, ajoute à cette impression. Il y a dans Mary Olivier la matière de dix romans. On est un peu éberlué par cette abondance. Mais il est impossible de ne pas respecter et admirer un pareil talent.

Qu’y manque-t-il ? Ce qui manque au roman, et je dirais presque au tempérament artistique de l’Angleterre. Miss May Sinclair le sait bien, elle qui fait dire à Richard Nicholson, critique anglais : « Nous sommes un peuple hautain et insulaire qui est tenu trop serré, qui est serré jusqu’à ce qu’il éclate. Voilà pourquoi nous ignorons la réserve esthétique. Voyez notre politique. Il a fallu que nous colonisions. Nous avons, en éclatant, débordé sur tous les continents. Quand nos esprits se mettent en route, c’est la même chose. Ils éclatent, ils débordent sur tout le parquet… Quand nous aurons appris à concentrer, alors nous prendrons notre place dans l’Europe, non plus hors de l’Europe. » (Mary Olivier, page 336.)