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est ininterrompue des Voyages dans un monde meilleur, fût-ce celui de la Lune. Même au XVIIme siècle, les Oceana succèdent aux Atlantis. Mais les chaînons obscurs et rouillés en sont périodiquement interrompus par des points brillants d’acier neuf. Point de grande transformation du roman qui ne traduise une révolution de mœurs et d’idées. Point de révolution de mœurs ou d’idées sans une « Utopie » qui l’annonce ou l’exprime. Le roman, et spécialement le roman anglais, est un des moyens favoris qu’ont la race, la nation, l’époque pour prendre conscience d’elles-mêmes. La conscience s’émousse par la continuité, la tradition. Elle se réveille par le contraste et se réalise par la révolte. Loin d’être par essence traditionnelle, la fiction, comme toute vie, est changement, se perpétue par l’opposition, et se reproduit autant au moins par explosions de révolte que par phases d’obéissance. La fidélité à la tradition n’est pas plus normale que l’infidélité n’est accidentelle. La révolution ne s’oppose pas à l’évolution. Elle en est un procédé.

Nous retrouverons cette idée chez les romanciers du XXme siècle. Mais, dès le début, il y avait lieu de marquer que si la période contemporaine du roman anglais, l’une des plus riches et des plus grandes, se trouve caractérisée par un soulèvement irraisonné contre les disciplines récentes, et une disposition aux violences conscientes, préméditées, contre l’ordre immédiatement antérieur, il y aura là, non point le témoignage d’un accident, ni le symptôme d’une maladie, mais le sceau de la vie. La tradition, même dans le roman anglais, ce n’est pas la convention, mais le contraire.

Le temps d’Elisabeth vit une floraison riche et soudaine de fictions en prose. Il y eut là comme en tous domaines