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Sarah Grand s’est montrée plus fidèlement, plus humblement observatrice dans Adnam’s Orchard, publié plus tard en 1912. Elle a porté partout la même sincérité, la même intensité de conviction. Ses romans ne sont ni composés ni écrits ; ils sont pensés et sentis. Elle a le don de l’humour qui supplée à bien d’autres.


John Oliver Hobbes (Mrs. Craigie), morte à trente-neuf ans, en 1906, avait d’autres cordes à son arc. Née en Amérique, mêlée à la vie mondaine de Londres, auteur ou victime d’une de ces tragédies du mariage qui bouleversent tant d’existences, elle alla, troublée d’aspirations contradictoires, du paganisme au puritanisme, et finit par se réfugier dans le catholicisme. Elle déploie dans ses œuvres une rare richesse d’émotions et d’expériences. Personne n’a brocardé le mariage avec un esprit plus mordant. Le cynisme à fleur de peau, la fantaisie d’imagination dont elle savait revêtir le réalisme et l’intention didactique de ses premiers romans, firent l’attrait de Some Emotions and a Moral qui eut un grand succès en 1891, et de The Gods, Some Mortals, and Lord Wickenham qui parut en 1895. La tendresse secrète d’une âme tourmentée s’y révèle à qui sait lire. Le personnage idéalisé de Disraëli domine The School for Saints (1897) et Robert Orange (1900). Il y a une mélancolie dans cette vie et dans ces livres qui survit à leur succès.

Lucas Malet (Mrs. Mary St Léger Harrison) a aussi consacré le principal de son grand talent à l’émancipation des femmes et aux problèmes du mariage. Mais elle a trop vu, trop lu, trop voyagé, trop hérité de son père Charles Kingsley, pour s’enfermer dans ce domaine. Laissons de côté les idylles comme Little Peter (1888), les