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C’est justement pour s’entendre que sont faîtes les classifications. Elles entraînent fatalement quelque part un choix, une coupure, dans une matière où tout se tient.

De même, si, pour exclure du genre romanesque les fictions qui sont de pures allégories, des moyens d’exhortation, des aventures sans rapport avec la vraisemblance, on s’avisait de rétrécir le roman à la mesure exacte des réalités, c’est une foule d’œuvres et de chefs-d’œuvre qui en disparaîtrait malgré l’usage, le consentement, qui sont après tout la seule règle en pareille matière. Il en faudrait, par exemple, retrancher Télémaque et Gulliver, et toutes les Utopies, et la foule innombrable des œuvres à thèse qui sont le plus clair de la fiction en Angleterre. Si l’on voulait y inclure de forçe l’analyse des sentiments et des caractères, ce serait en proscrire Robinson Crusoe. Si l’on voulait, de force, y introduire l’intrigue, l’action, le récit, les événements, ce serait le fermer aux psychologues, tels Meredith et Henry James.

Ne nous laissons point émouvoir par l’imperfection et l’insuffisance de toute conception a priori du roman. Toute classification est toujours utile, pourvu qu’elle soit nette et plausible. Elle n’est trompeuse et dangereuse que si elle se substitue à la réalité, dans notre esprit, et devient un objet au lieu d’un instrument de recherche.

Pour le moment, contentons-nous de dire que le roman anglais est une fiction en prose d’une certaine étendue. C’est bien large, et par certains côtés trop étroit. Mais c’est clair, et il faut s’arrêter quelque part.

Au surplus, toute recherche part d’une définition abstraite qui la circonscrit pour arriver à une autre qui la conclut, plus rigoureuse et plus concrète. En route, le témoignage des faits se charge des adaptations nécessaires.