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En disant qu’il est une fiction en prose d’une certaine étendue, on manque peut-être en partie aux deux règles d’une bonne définition : s’appliquer à tout l’objet, ne rien enfermer que l’objet. C’est, par exemple, admettre dans le roman, puisqu’elles sont en prose, fictives et généralement prolixes, certaines œuvres d’édification, de polémique, voire d’enseignement ou de simple propagande, qui paraissent croître en nombre, à mesure que le genre augmente en âge. D’autre part, c’est exclure, puisqu’ils sont en vers, une foule de récits poétiques depuis Troïlus and Cressida jusqu’à Marmion et Evangeline, qui, sauf la rime ou le rythme, offrent pourtant bien les attributs du genre.

Il faut le reconnaître, notre définition n’est point entièrement satisfaisante. Trop étroite pour contenir tout l’objet, elle est aussi trop large pour ne s’appliquer qu’à l’objet. Mais c’est qu’en vérité rien n’est définissable de ce qui est par nature indéfini. Or, il existe des romans et des romanciers, des hommes et des œuvres, mais le roman n’a d’autre existence que celle d’une métaphore, et participe en conséquence à l’arbitraire de toute abstraction. Au commencement était le chaos. Tout y resterait sans cette part d’arbitraire qui préside aux classïfications d’idées.

Il est vrai, pour en revenir aux exemples déjà cités, que le roman en vers est aussi plausible que le roman en prose. Mais, si nous élargissons notre définition pour y comprendre des œuvres poétiques, pourquoi n’y pas inscrire aussi le drame, qui serait un roman dialogué, l’épopée qui serait un roman épique, et l’histoire, un roman véridique, ou à peu près ? Au lieu que le roman demeure une des formes de la littérature, c’est la littérature qui deviendrait l’ensemble des formes du roman. Je n’y verrais pas d’inconvénient. Le tout est de s’entendre.