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Le Roman anglais de Notre Temps elle se justifie elle-même et par elle-même, puisque, aussi bien, les personnages n'existent qu'en elle et par elle. C'est à la fois le sujet et l'objet du roman. Je réponds qu'il ne s'agit point ici de condamner ni d'approuver la doctrine et la pratique de Henry James, seulement d'en montrer le résultat. II ne manque pas d'intérêt. Qu'est-ce qui n'est pas intéressant au monde, pourvu qu'on sache étudier, qu'on veuille comprendre ? Maïs, si la seconde partie de l'œuvre de Henry James est un beau sujet d'étude, elle n'apporte aucune interpréta- tion, aucune révélation de la vie. Toujours à la poursuite d'une nuance exacte qu'il n'arrive jamais à saisir, et d'un mot expressif qu'il ne rencontre que rarement, Henry James a fini dans la seconde moitié de sa carrière par verser dans une verbo- sité sans précédent. L'idée se dérobe sous des manteaux successifs dont aucun n'est juste ni définitif. Au lieu de les rejeter, l'auteur les exhibe l'un après l'autre, détaillant chaque pièce, chaque couture, tous pareils et tous diffé- rents. C'est la maison aux cent mille paletots. Franche- ment, Henry James est illisible, sauf pour les érudits, les spécialistes. . Sa vaine poursuite de l'expression, son incontinence verbale, sa manie de faire un sort aux mots les plus usuels par des italiques, par des guillemets, pour souligner qu'il les prend tantôt dans leur acception ordinaire mais fautive, tantôt avec un sens à lui, mais extraordinaire, tout cela relève de la pathologie mentale. Comment expliquer son incontestable influence? Il était peu lu, mais il avait un système, et il y croyait. Auguste Comte et Karl Marx n'ont guère eu plus de lecteurs. L'action qu'exerce un auteur est souvent en

Henry