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qui ne trouveront jamais dans la vie qu’isolement et pauvreté, à moins qu’elles ne se marient comme l’une d’elles, pour trouver un foyer, et n’y rencontrent comme elle que le désespoir.

Vers la fin de sa vie, Gissing épousa une Française, vécut dans le Midi, et écrivit cette attachante autobiographie : The Private Papers of Henry Ryccroft. Il y révèle avec plus d’abandon que de rancune les souffrances de sa nature d’artiste, de lettré, d’épicurien, à qui la vie refusa le simple bonheur de la paix avec les livres, une nourriture suffisante, et du feu dans le foyer.

Il est un de ceux qui ont apporté le plus de culture au roman moderne, et il n’a guère décrit que des vies sordides.

Il n’a ni grâce ni couleur, ni sentiment, ni humour. Il est déprimant comme ses héros et ses sujets. On pourrait l’appeler un « misériste ». Mais il n’exagère jamais. C’est une grande originalité. Il a fort bien compris et commenté Dickens, qui procédait tout autrement. Tant il est vrai que la sincérité, dans le roman comme ailleurs, est seule durable. Gissing n’a jamais été populaire, mais il sera longtemps lu par ceux qui estiment au-dessus de tout, et même de leur plaisir, la probité de l’œuvre et la conscience de l’ouvrier.

George Gissing n’aimait guère son temps. Il n’a pourtant pas contribué à cet écroulement des opinions et des conventions contemporaines que préparait obscurément Samuel Butler. Cet écrivain encore inconnu, quoique fertile en idées et très puissant par l’ironie, élaborait dans le silence deux œuvres singulières où le dix-neuvième siècle paraît s’ensevelir sous ses propres décombres.