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puis revient à Londres par l’Allemagne et se met à écrire des romans pour gagner sa vie. Sa femme est devenue une ivrogne, une prostituée {cette situation se retrouve fréquemment dans les romans anglais après Gissing. Voir notamment The Sailor de Snaith). Il n’a pas toujours de quoi manger. Le lavabo du British Muséum est son cabinet de toilette et sa salle de bain. Il engloutit un petit héritage dans la publication de son premier roman, et n’est sauvé de la complète décadence que par Frédéric Harrison qui lui procure des leçons et l’entrée de la Poil Mail Gazette, dirigée par John Morley.

C’est de cette période que datent ses premiers romans. On en devine les sujets, le ton, l’atmosphère. The Unclassed (1884) est l’histoire de deux jeunes filles qui, par miracle, échappent au trottoir. Demos (1886) raconte patiemment, longuement, tristement, l’effet sur un milieu ouvrier des doctrines socialistes alors nouvelles en Angle- terre. Thyrsa (1887) montre une petite travailleuse anglaise, un peu supérieure à son milieu, qui est assiégée, débordée, engloutie par la grossièreté des quartiers sud de Londres. Plus navrant encore est The Nether World (1889) où Gissîng dépeint avec un réalisme laborieux la vie et la misère de Clerkenwell, autre région lugubre de la capitale.

Ces romans du bas peuple et des bas quartiers avaient alors l’intérêt de la nouveauté. Pourtant, ce n’est qu’avec New Grub Street, en 1891, que Gissing attire enfin l’attention de la critique, en dévoilant les plaies du prolétariat littéraire, les procédés du succès, les déboires de l’écrivain. Du moins Gissing était assuré de vivre, ou plutôt de ne pas succomber. Chacun de ses deux derniers romans lui avait rapporté cinq mille francs. Il se replonge de lui-même dans la misère. Sa première femme venait de