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— Je possédais deux mille dollars, plus deux actions en valant autant ; vous m’avez tout gagné, il ne me reste pas un penny ; vous voudrez bien m’employer comme ouvrier aux mines.

— Sans doute, John, répondirent-ils, nous ferons cela pour un ami. Vous êtes fort, intelligent, vos services nous seront très-précieux.

Et, sur leur promesse, John alla se coucher avec le calme d’un homme qui a bien rempli sa journée.

Cette insouciance de la fortune, ce stoïcisme dans l’adversité, joints à cette âpreté au lucre, à cette dépense inouïe de forces pour acquérir, par tous les moyens, richesse ou famosité, émerveillaient Dubreuil à mesure qu’il s’initiait davantage aux mœurs de la population yankee.

John couchait dans un cadre au-dessus de l’ingénieur français. Ce dernier ne put s’empêcher de lui dire :

— Je vous admire, monsieur, de passer ainsi, sans sourciller, de l’aisance à la misère !

— Bah ! répondit l’Américain avec l’accent nasal particulier à ses compatriotes, cela m’est parfaitement égal. En travaillant quinze jours aux mines j’aurai gagné vingt dollars, plus ma nourriture, j’organiserai une partie de cartes ou une affaire quelconque, et ce serait bien le diable si, dans un mois ou deux, je n’avais pas regagné ce que je viens de perdre. Good night, stranger  !

— Bonne nuit, monsieur, repartit Dubreuil, qui ne tarda pas à s’endormir.