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sa peau rouge ! Elle a tout bonnement la mine d’une Méridionale au sang chaud et généreux. Son esprit est original, son caractère héroïque, elle possède l’âme d’une reine, et si son extérieur offre, tant au moral qu’au physique, quelques singularités, disons mieux, quelques bizarreries, six mois de séjour à Paris la priveront bien complètement, hélas ! de ce délicieux parfum exotique. Est-elle belle ! est-elle noble ! Ah ! comme je l’aime, comme je comprends qu’on la puisse, qu’on la doive aimer…

À cette réflexion Adrien Dubreuil, qui se promenait, la lettre de Meneh-Ouiakon à la main, dans la chambrette qu’il avait occupée un an environ auparavant chez le père Rondeau, au Sault-Sainte-Marie, Adrien Dubreuil s’arrêta ; il croisa les bras sur sa poitrine, pencha la tête, et son front s’assombrit.

— Cependant, continua-t-il après un moment, si elle avait aimé cet homme… ce… Jésus… mon frère… elle avoue que son sein a battu pour lui… si… mais non, s’écria-t-il avec force, en frappant du pied, non, c’est impossible… Meneh-Ouiakon, grande et courageuse comme je la connais, se serait plutôt tuée que de se laisser souiller par les embrassements d’un pareil… N’ajoutons rien, il fut mon frère… Il a expié ses crimes !… Néanmoins, je ne puis donner mon nom à la femme qui vécut au milieu de ses concubines, qui partagea peut être leurs débauches… la sagesse, le devoir me le défendent…