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dans la tête de tes gens ce désir perpétuel d’être mieux nourris, mieux vêtus et de laisser tant et tant de terres et d’argent à leurs enfants ? Craignent-ils donc que le soleil et la lune ne se lèvent pas pour eux, que la rosée des nuages cesse de tomber, que les rivières tarissent, quand ils seront partis pour l’Ouest[1] ? Comme la fontaine qui sort du rocher, comme les eaux de nos rapides et de nos chutes, ils ne se reposent jamais : dès qu’ils ont récolté un champ, tout de suite ils en labourent un autre ; après avoir abattu et brûlé un arbre, ils vont en renverser et brûler un autre ; et, comme si le jour du soleil n’était pas assez long, j’en ai vu qui travaillaient au clair de la lune. Qu’est-ce donc que leur vie comparée à la nôtre, puisque le présent n’est rien pour eux ! Il arrive : aveugles qu’ils sont ! ils le laissent passer. Nous autres, au contraire, ne vivons que de cela, après être revenus de nos guerres et de nos chasses. Semblable à la fumée que le vent dissipe et que l’air absorbe, le passé n’est rien, nous disons-nous ; quant à l’avenir, où est-il ? Puisqu’il n’est point encore arrivé, peut-être ne le verrons-nous jamais. Jouissons donc, aujourd’hui du présent ; demain il sera déjà loin.

« Tu nous parles de prévoyance, ce tourment de la vie : eh ! ne sais-tu pas que c’est le mauvais génie qui l’a donnée aux blancs, pour les punir d’être plus savants que

  1. C’est là que l’Indien place son paradis.