souvenir de ce qu’ils ont été. La mémoire du passé s’oblitère vite parmi les races qui végètent dans l’isolement. Quel est celui de nos paysans qui a souvenance du gouvernement des druides ? Et, sans aller aussi loin, combien peu savent ce que c’est que la glorieuse révolution de 1789, qui leur a donné l’émancipation !
Dans le désert américain, l’oubli de l’éducation première marche d’un tel pas que les blancs, — je parle même de ceux qui occupent une position honorable, comme les chefs facteurs des diverses compagnies de pelleteries, — ne rougissent pas de mener une existence identiquement semblable à celle des sauvages. L’ivrognerie et la pluralité des femmes sont de mode. La supercherie est estimée habileté, et la vie d’un homme compte moins que rien.
Les Peaux-Rouges qui hantent ces parages sont des Chippiouais ou des Nadoessis. Du jour de leur naissance à celui de leur mort, ils sont dressés à la chasse, c’est-à-dire à la guerre, au mépris de la souffrance et de tout ce qui n’est pas d’une nécessité immédiate.
La seule jouissance dont ils aient une idée exacte, c’est le repos, ou plutôt l’inactivité la plus entière.
« — Ah ! mon frère, me disait un Nadoessis, tu ne connaîtras jamais comme nous le bonheur de ne penser à rien et de ne rien faire. Après le sommeil, c’est ce qu’il y a de plus délicieux. Voilà comme nous étions avant d’avoir eu le malheur de naître. Qui a mis