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Alors, il me conta que Cadieux avait été un célèbre interprète canadien-français, connu dans toutes les parties du Far-West comme voyageur, guerrier et poète ; qu’il s’était attiré la haine d’une tribu sauvage l’hiver précédent, et qu’on supposait qu’il avait été massacré par elle.

Nous examinâmes le corps, qui n’était pas encore entré en décomposition. Il ne portait la trace d’aucune blessure récente, quoiqu’il fût criblé de vieilles cicatrices. Mais la maigreur du visage, et des membres indiquait une mort terriblement douloureuse. Le malheureux, traqué par ses ennemis, sans doute, qui l’entouraient sans le voir, car d’énormes rochers masquaient sa retraite, le malheureux, privé de son canot, avait succombé aux atteintes de la faim et peut-être aussi de ce mal terrible que les Canadiens-Français appellent la folie des bois[1]. Se voyant mourir, il avait creusé sa tombe et s’y était étendu.

Quoiqu’il en soit, ses mains croisées contre sa poitrine reposaient sur une large feuille d’écorce de cèdre.

Cette feuille, je n’aurais point voulu la toucher, mais mon Apôtre l’enleva, et je lui sais gré cette fois de sa brutalité, car elle m’a permis de conserver le dernier chant du trappeur-poète.

Sur l’écorce étaient gravées, en caractères grossiers,

  1. Voir les Pieds-Noirs (Tom Slocomb).