Page:Chevalier - Peaux-Rouges et Peaux-Blanches, c1864.djvu/235

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tous ceux qui s’étaient embarqués sur la Mouette, à moins que mon pauvre Jacot n’ait échappé une seconde fois à la cruauté des Apôtres, car, jeté à l’eau par le Mangeux-d’Hommes, il avait réussi à rentrer inaperçu dans le bateau et s’était caché sous mon lit ; mais, durant la nuit, il a disparu et je crains fort que, découvert pendant que je dormais, on ne l’ait impitoyablement égorgé. C’était le plus fidèle, le meilleur des serviteurs. Je ne puis penser à lui sans pleurer. Ne dis rien, cependant, je t’en prie, de tout cela à ma mère. Elle en mourrait d’effroi.

Quant à moi, on me conduit à la factorerie, occupée maintenant par ces misérables, qui vivent avec un grand nombre d’Indiennes, aussi cruelles, aussi débauchées qu’eux, quoique chacun ait une favorite, qui commande aux autres concubines et se fait orgueilleusement appeler madame ou mistress.

Là, les Apôtres firent une orgie à laquelle je dus assister. Après le festin, et en buvant des alcools, ils se mirent à chanter, les uns en français, les autres en anglais, car chacun ici parle et comprend ces deux idiomes, fort corrompus du reste, comme bien tu peux t’imaginer.

L’un des ivrognes se prend à entonner une sale diatribe contre notre patrie. J’aurais dû en rire. Mais je suis vif, j’ai la tête près du bonnet ; je me laisse emporter. Il me lance un vase à la tête et je roule sans connaissance sous la table.