Page:Chevalier - Peaux-Rouges et Peaux-Blanches, c1864.djvu/210

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Puis un canot débouche dans la baie, avance, touche légèrement au rivage.

Les premiers bruits autour de la Chapelle ont repris leur empire.

Ce n’est plus que la brise qui frémit dans le feuillage des sapinières, le frou-frou d’une chauve-souris passant et repassant dans les airs, et, à de rares intervalles, le sautillement de quelque poisson blanc hors de l’onde moirée.

Cinq minutes s’écoulent.

Le sommeil des dormeurs n’est pas interrompu.

Meneh-Ouiakon fait un beau rêve. Elle soupire, ses bras s’entr’ouvrent comme pour serrer une image chérie. Sur ses lèvres glissent des paroles d’amour.

Mais un cri d’effroi lui échappe maintenant. Elle se dresse, jette autour d’elle des regards effarés.

Comme dans un étau, une main rude l’a saisie par le poignet ; un homme est devant elle.

C’est Judas, le lieutenant du Mangeux-d’Hommes !

— Asseyons-nous et causons, la belle, dit-il d’un ton sec et pénétrant comme la lame d’un poignard.

Meneh-Ouiakon recouvre sur-le-champ son sang-froid.

— Mon frère est lâche comme le carcajou, dit-elle.

— Possible. Mais asseyons-nous, car je suis fatigué et tu m’as fait faire une course qui aurait dégoûté moins amoureux que moi.