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MADAME LÉONIE D’AUNET

à peu de distance d’Hammerfest que s’effectua le départ définitif pour ce trajet plus difficile en cette saison qu’en hiver, où les traîneaux offrent un rapide moyen de locomotion ; il fallait voyager à cheval, et emporter avec soi une tente pour les jours où l’on manquerait de gîte ; un Lapon nommé Abo était le conducteur de la caravane. Il est inutile de donner toutes les étapes de cette marche souvent pénible, et où une femme délicate comme Mme d’Aunet eut bien des fatigues à supporter.

Ils rencontrèrent plusieurs campements lapons ; les tentes sont petites, circulaires ; sur leur carcasse de bois de bouleau est ajustée une grossière étoffe de laine noire ou brune, avec un trou au centre pour laisser passer la fumée du foyer, formé simplement de grosses pierres, et sur lequel une énorme marmite est toujours suspendue par une chaîne de fer. Tout autour sont rangées les peaux de rennes servant de lit, et les coffres de bois qui composent tout l’ameublement du Lapon riche ou pauvre. Dans ce pays, la richesse n’a qu’une forme : les troupeaux de rennes, qui sont pour le Lapon ce que sont les chameaux pour l’Arabe ; ils ont aussi des chiens d’une espèce particulière, avec la fourrure noire d’un ours, la tête fine d’un renard, et qui n’aboient jamais.

La Laponie est un pays triste et monotone qui n’a que deux aspects : la plaine pierreuse et le marais. Le sol est partout dépourvu d’arbres, sauf quelques maigres bouleaux, coupés d’étangs et de cours d’eau ou couvert d’une épaisse couche de mousse de renne, sorte de lichen jaunâtre.

À Kantokeino, la ville laponne, agglomération de quelques maisons de bois autour d’une église, Mme d’Aunet, brisée de fièvre, dut séjourner plusieurs jours ; elle eut l’occasion d’observer ainsi la vie des Lapons, qui s’entassent pêle-mêle, maîtres, enfants, serviteurs, animaux, dans ces huttes presque aussi petites que les tentes ; elle assista à leurs repas composés de poisson et de chair de renne, et largement arrosés de lait de renne et d’huile de poisson ; la malpropreté qui y régnait lui ôta toute envie d’y prendre part. Ce peuple lui parut doux, paresseux et borné.

À partir de Karesuando, autre ville laponne, les voyageurs s’embarquèrent sur le Muonio, large fleuve qui va se jeter dans le golfe de Bothnie, et dont le cours est interrompu par de fréquentes cascades ; les bateliers finlandais les franchissent avec une habileté extraordinaire dans leurs légers et longs bateaux plats, qui ne