avec de rauques mugissements ; c’est terrible et magnifique. On croit entendre le chœur des abîmes du vieux monde préludant à un nouveau chaos.
« Si le spectacle de la baie m’apparut magique, celui de la côte
était sinistre. De tous côtés le sol était couvert d’ossements de
phoques et de morses, laissés par les pêcheurs qui venaient autrefois
faire de l’huile de poisson jusque sous cette latitude élevée ; depuis
quelques années ils y ont renoncé. Je quittai ce charnier, et, me
Fiord d’Hammerfest.
dirigeant avec précaution sur le terrain glissant, je m’acheminai vers
l’intérieur du pays. Je me trouvai bientôt au milieu d’une espèce de
cimetière ; cette fois c’étaient bien des restes humains qui étaient
gisants sur la neige. Plusieurs cercueils à demi ouverts et vides
avaient dû contenir des corps, que la dent des ours blancs était
venue profaner. Dans l’impossibilité de creuser des fosses à cause
de l’épaisseur de la glace, on avait primitivement mis sur les cercueils
un certain nombre de pierres énormes, destinées à servir de
remparts contre les bêtes farouches ; mais les robustes bras du gros
homme en pelisse (comme les pêcheurs norvégiens appellent pittoresquement
l’ours blanc) avaient déplacé les pierres et ravagé les
tombes.