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LES VOYAGEUSES AU XIXe SIÈCLE

apercevaient distinctement les rives de la Terre-de-Feu, et à plusieurs reprises de hautes colonnes de fumée montant dans l’air tranquille leur prouvèrent la présence de campements sauvages, absolument comme Magellan les avait vus quatre cents ans plus tôt, quand il avait donné à cette île le nom qu’elle porte encore. Enfin les voyageurs entrèrent dans l’intérieur du pays et commencèrent à explorer la sauvage région des pampas. Le gibier était abondant, et les fusils de la troupe abattaient de nombreuses victimes. En avançant, il leur arriva quelquefois de rencontrer des Patagons, et les observations de lady Florence sur leur physique ont de l’importance, si on les rapproche des descriptions exagérées que nous trouvons dans les récits des anciens voyageurs. « Je fus moins frappée, dit-elle, de leur stature que de leur développement extraordinaire de poitrine et de muscles. Je ne crois pas que la majorité d’entre eux dépassât six pieds anglais, et mon mari ayant six pieds deux pouces, j’avais un point de comparaison qui me permettait de juger très exactement de leur taille. Un ou deux, il est vrai, le dominaient de toute la tête, mais c’était l’exception. La plupart des femmes me parurent fort ordinaires, quoique j’en aie remarqué quelques-unes qui avaient bien six pieds, sinon plus. »

Lady Florence parle de l’extrême régularité de traits des Tchuelches ou Patagons aborigènes, de race pure, qui n’ont rien de désagréable, au contraire : « Le nez est généralement aquilin, la bouche bien dessinée et embellie par des dents éblouissantes, l’expression des yeux fort intelligente, et la forme de la tête dénote des capacités mentales vraiment au-dessus de la moyenne. Mais tel n’est pas le cas pour les Tchuelches dans les veines desquels il y a un mélange de sang fuégien ou araucanien. Chez ces derniers, le nez aplati, les yeux obliques, le corps mal proportionné, tout excite la répulsion, et ils diffèrent autant du Tchuelche pur qu’un cheval de charrette d’un cheval de course. Leurs longs cheveux, semblables à des crins, sont séparés au milieu du front et retenus par un mouchoir ou une sorte de filet ; ils ne laissent pas un poil pousser sur leur visage, et quelques-uns s’arrachent même les sourcils. Leur vêtement est fort simple ; il se compose d’un chiripa ou pièce de drap, qu’ils drapent autour des reins, et de l’indispensable guanaco, manteau qui est jeté sur leurs épaules et qu’ils retiennent d’une main, quand il serait beaucoup plus simple de l’attacher à la taille par une ceinture quelconque. Par des raisons d’économie, ils ne portent qu’à la chasse