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LES VOYAGEUSES AU XIXe SIÈCLE

pourrait presque les croire montés sur les coursiers marins des mythes antiques et cramponnés à leur crinière, dirigeant vers le bord leur course furieuse. Les Hawaïens aiment infiniment ce rude exercice, auquel ils sont accoutumés depuis l’enfance, car ils vivent autant dans l’eau qu’à terre, et ne semblent jamais plus heureux que lorsqu’ils plongent, nagent, se baignent ou se jouent dans les belles eaux vertes qui caressent la côte souriante de leur île favorisée, ou dans la charmante rivière qui court entre les jardins fleuris de la ville de Hilo.

Par un bel après-midi, on peut voir la moitié de la population se livrant à des exploits, dans, sur et sous l’eau. Grimpant jusqu’au sommet des rochers perpendiculaires qui forment la rive opposée, ils exécutent des plongeons de toutes sortes d’une hauteur de six à huit mètres, plongeant et nageant dans mille attitudes, avec une grâce qui excite l’admiration des spectateurs. Deux insulaires entreprirent de sauter dans la rivière du haut d’un roc de cent pieds de haut, franchissant dans ce saut périlleux un rocher qui, à six mètres du sommet, faisait une saillie considérable. Les deux hommes, sveltes, grands et agiles, apparurent sur la hauteur, leurs longs cheveux rattachés par une guirlande de fleurs et de feuillage, tandis qu’une guirlande semblable s’enroulait autour de leur taille. D’un regard sûr et perçant ils mesurèrent la distance et reculèrent de quelques pas pour prendre l’élan nécessaire. Soudain l’un d’eux reparut au bord du rocher, bondit, tourna sur lui-même, tomba dans l’eau les pieds en avant, pour se relever presque immédiatement et gravir la berge avec une sereine indifférence. Son compagnon ayant accompli le même exploit, tous les deux remontèrent jusqu’à la saillie dont nous avons parlé et sautèrent de nouveau dans la rivière, tour de force moins extraordinaire, mais qui exigeait encore beaucoup d’adresse.

Parmi les jeux que mentionne lady Brassey, se trouve l’exercice de l’épieu ou du dard, qu’on lance sur un but quelconque ; le kona, sorte de jeu d’échecs compliqué, et le talu, qui consiste à cacher une pierre sous une des cinq pièces d’étoffe placées devant les joueurs ; ceux-ci doivent deviner où elle se trouve, et, si habile que soit celui qui la cache, les joueurs exercés reconnaissent au mouvement du bras le moment où la main lâche la pierre. Un autre jeu, parua, se joue sur le gazon ; ceux qui y prennent part sont debout sur une planche étroite, recourbée par devant, et qu’ils dirigent avec une