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LES VOYAGEUSES AU XIXe SIÈCLE

de son fils, les perdant pour les retrouver toujours. Enfin elle arriva sur le bord du ruisseau et n’y trouva que son cadavre à peine refroidi. Dans sa douleur elle éleva cette mosquée, qui lui servit de tombeau ; les musulmans en ont fait un lieu de pèlerinage. Ce fut un vieux santon qui, près de la mosquée d’Ibrahim, raconta cette histoire à la visiteuse étrangère venue de si loin.

Après une série de marches pénibles, la princesse arriva à Tripoli, où elle raconte plaisamment la mauvaise réception que lui fit le consul autrichien, réveillé au milieu de la nuit par ces inconnus qui venaient demander un gîte, tandis que sa femme, charmante Syrienne, s’efforçait de réparer l’effet de la maussaderie de son mari. À partir de Tripoli, l’Orient chrétien remplace l’Orient musulman. La princesse atteignit Nazareth le mercredi de la semaine sainte, par les vallons que dominent les monts de la Galilée. Rien n’est plus délicieux que ces vallons, où des lauriers, des myrtes de la taille de nos chênes enlacent leurs ombrages au-dessus des tapis de verdure et de fleurs. La caravane entra à Nazareth à la nuit tombante, et s’arrêta au couvent des franciscains. Mme Belgiojoso éprouva une vive émotion lorsque le moine qui les attendait à la porte, un flambeau à la main, leur souhaita la bienvenue au nom de la Vierge et de saint François.

Le pays qu’on traverse de Nazareth à Jérusalem est l’ancien royaume de Judée, inculte, aride, et dont la population est comme autrefois redoutée pour son humeur farouche. Cette contrée n’est pas sans beauté sauvage, son cachet sombre rappelle la sanglante histoire des rois de Juda et pénètre d’une sorte de terreur. Naplouse (l’ancienne Samarie) semble une oasis au milieu de ce pays désolé. On était à la veille de Pâques.

« Depuis quelque temps déjà je remarquais que les villages situés sur les montagnes devenaient plus nombreux, et que les groupes de voyageurs allant et venant se multipliaient autour de moi. Le soleil allait se coucher derrière les montagnes voisines de la mer, lorsque j’aperçus mes deux guides immobiles et la tête découverte au haut d’un plateau qui s’élevait à quelques pas de moi. Je courus les rejoindre. Ce que mes guides venaient de découvrir, c’étaient les murs crénelés de Jérusalem, couronnant une colline qui faisait face au plateau. Au delà de ces murs, une ligne bleuâtre se confondait avec l’horizon, indiquant la mer de Galilée. Je donnai un moment à la contemplation de ce grand spectacle. Un tumulte étrange se