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Le Montréalais venait effectivement de s’engager dans un étroit chenal, lequel, serpentant entre les écueils du Sault Saint-Louis, permet aux vapeurs de franchir la dangereuse passe.

De toutes parts l’onde bouillonnait autour du navire et le fouettait de ses gerbes liquides, qui s’égrenaient en des milliards de gouttelettes scintillant aux rayons du soleil à son déclin, comme de la poussière de rubis, avant de retomber, en fine pluie, sur le pont. Tous les passagers avaient suspendu leurs conversations, et, malgré ces rosées consécutives, se tenaient immobiles pour contempler le spectacle qu’ils avaient sous les yeux.

Devant eux, à perte de vue, le fleuve semblait rouler des mamelons de neige, qui s’agitaient incessamment avec la fluidité du vif-argent. Mais, s’abaissant sur le côté, les regards reconnaissaient bien vite que cette neige mobile n’était que l’écume des eaux, hachées par une multitude infinie de rochers de formes et de couleurs variées, disséminés, comme des gradins, sur toute la largeur du Saint-Laurent.

Si cette scène n’a pas le caractère imposant des grandes cataractes, elle est émouvante ; elle produit une certaine sensation d’effroi, la première fois qu’on la parcourt emporté sur un bateau à vapeur.

Le Montréalais plongeait entre les récifs, ainsi que plonge, entre des vagues géantes, le navire battu par la tempête ; sa proue se trouvait toujours à plusieurs pieds