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À un faible intervalle, on entendait le mugissement des ondes sur les rapides[1] du Sault Saint-Louis.

À chaque instant, des piverts rasaient la surface à tire d’aile, eu poussant leur note aiguë, et des bataillons de canards sauvages sillonnaient les airs.

Bientôt Nar-go-tou-ké tourna brusquement à gauche et remonta le courant en traçant une ligne diagonale.

Devant lui, à trois ou quatre cents brasses, apparaissaient deux îlots.

L’un en amont, à une portée de fusil du second, et d’un accès assez facile ; l’autre au-dessous, hérissé d’écueils, que le fleuve déchirait de ses flots rageurs avec un fracas formidable.

Le pied de ce dernier baigne dans les rapides, et sur sa tête, constamment battue par des vagues aussi hautes que des montagnes qui rejaillissent en poussière liquide dans l’île, se présente comme un front de chevaux de frise en granit, infranchissables.

C’est l’île au Diable, la justement nommée. Elle a au plus un demi-mille de circonférence.

Inabordable par en bas et par en haut, elle n’offre aucune baie, aucune anse, aucune crique sur ses flancs. Bien des gens croient encore qu’il est impossible d’y pénétrer. Du reste, plus d’un batelier audacieux et téméraire a péri en essayant d’aller la reconnaître. Je ne sais

  1. On sait que les rapides sont des écueils à fleur d’eau.