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Jean-Baptiste traversait souvent le fleuve pour aller mendier dans les paroisses de l’Est. Bien accueilli par les Indiens de Caughnawagha qui, comme tous les sauvages, pensent que les fous et les estropiés de naissance sont cloués d’un pouvoir magique, il s’était pris d’une affection mystérieuse, mais profonde, pour la famille de Nar-go-tou-ké.

Seuls au monde peut-être, le chef et son fils pouvaient échanger des pensées avec lui.

Ces communications avaient lieu par des regards et des signes.

Du reste, Jean-Baptiste se montrait très-réservé avec les Canadiens et vivait solitaire.

Jamais personne n’avait pénétré dans sa demeure. Il était l’effroi des petits enfants ; les jeunes gens même craignaient de l’affronter, bien que quelques-uns eussent donné beaucoup pour visiter l’intérieur du Quêteux.

Mais, malgré ses infirmités, il possédait une agilité et une force extraordinaires.

Toute cette agilité, toute cette force s’étaient réfugiées dans ses jambes. Ils l’avaient appris à leurs dépens ceux qui s’étaient frottés à Jean-Baptiste. Dès qu’on l’irritait, le nain se jetait sur le dos, ouvrait ses longues jambes, comme un poulpe ouvre ses bras, un crabe ses pinces, saisissait son insulteur, le serrait, et, quelle que fût l’adresse ou la vigueur de celui-ci, il était incapable de sortir de cet étau qui le pressait de plus en plus, jus-