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Il n’était pas douteux que Paul y serait compris. Léonie ne vivait plus ; sa raison s’égarait, quand elle reçut l’avis suivant, dans une Imitation de Jésus-Christ :

« Vu l’homme ; nuit prochaine. »

Quelques jours auparavant, Jean-Baptiste avait réussi à voir Co-lo-mo-o, enfermé dans la tour du Télégraphe, au-dessus du cap Diamant. Il lui avait donné les limes cachées dans sa béquille, et l’Indien, ayant scié ses fers, s’était fabriqué une corde avec la paille de son lit.

De la mie de pain, frottée de rouille, lui servait à dissimuler l’effraction de la chaîne qu’il avait aux pieds ; un trou creusé dans son cachot recelait, pendant le jour, la corde de paille, jusqu’à ce qu’elle fut terminée.

Ensuite, avec les limes, avec les débris de ses fers, avec ses ongles, il pratiqua une ouverture sous la porte, et le 25 janvier 1839, à minuit, Co-lo-mo-o quittait furtivement la prison où il languissait depuis près de trois mois.

Au bas du cap Diamant, Léonie accompagnée de son fidèle Antoine, tenait ses regards attachés sur la tour du Télégraphe, avec une tension telle qu’elle en avait le vertige, et que des fantômes sanglants tourbillonnaient devant eux.

Les minutes, pour elle, étaient effroyablement longues. Mais elle ne les pouvait compter. Elle avait perdu la mesure du temps ; elle n’en savait plus apprécier la durée.

Il faisait noir, bien noir, le vent soufflait en tempête,