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en triomphe autour de la colonne, et mille voix jurent, dans un enthousiasme délirant, de chasser les Anglais du Canada ou de verser jusqu’à la dernière goutte de leur sang sur l’autel de la patrie.

Atterrée par le spectacle de cette scène, si grandement émouvante, Léonie de Repentigny avait, sans y songer, quitté le bras de Cherrier ; et celui-ci, enflammé par le réveil de ses compatriotes, oubliait ce qui l’entourait pour battre des mains et crier bravo de toute la force de ses poumons.

— Viens, jeune homme, viens ! lui dit Poignet-d’Acier d’un ton de Stentor qui couvrit un instant les clameurs de la foule, comme la voix du tonnerre couvre le rugissement des éléments déchaînés ; viens aussi jurer de venger les outrages faits à ta race ou de mourir en combattant !

Et il l’entraîna, sans que Cherrier, ivre d’excitation, se rendît compte de ce qu’il faisait.

Le voyant partir, mademoiselle de Repentigny sortit de sa torpeur. Elle voulut l’appeler, le retenir.

Le son expira sur ses lèvres : une main rude et tannée l’avait bâillonnée.

Éperdue, la jeune fille essaya de se retourner.

Tentative inutile. Elle se trouvait déjà encastrée dans une cohue d’individus qui déferlaient bruyamment vers la colonne ; mais une voix étrange lui sifflait à l’oreille :

— Tu m’as enlevé mon amant, mon bel officier, à moi aussi les représailles !