— Légèrement. Ramons, ramons ; à droite ! ferme ! repartit le Petit-Aigle qui, aussitôt dans le canot, avait saisi une pagaie et faisait des efforts surhumains pour résister à la violence des eaux.
Ce n’était point une entreprise aisée. Des lames courtes, furieuses, irritées, déferlaient avec fracas autour de l’esquif, menaçant de l’engloutir ou de le précipiter avec elles à travers les écueils. Pour braver leur colère, pour la vaincre, il fallait joindre l’énergie à la prudence, l’habileté au sang-froid.
Ces qualités, Co-lo-mo-o les possédait heureusement à un haut degré.
Secondé avec autant d’intelligence que de courage par Hi-ou-ti-ou-li, il parvint, après une lutte acharnée avec le terrible élément, à placer un certain intervalle entre les rapides et son embarcation.
Hors du danger le plus pressant, il se demanda ce qu’il devait faire. Retourner au village eut été une maladresse. Aussi le Petit-Aigle n’y songea-t-il point. Le meilleur parti qu’il pût adopter, c’était de joindre son père sur l’île au Diable.
Mais une difficulté se présentait. Hi-ou-ti-ou-li était fille de Mu-us-lu-lu ; ne le trahirait-elle pas ? D’ailleurs, l’île au Diable servait de retraite à une foule de gens, Canadiens et Indiens, en hostilité ouverte avec le gouvernement anglais. Tous s’étaient liés par un serment solennel à ne jamais révéler cet asile.