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CHAPITRE XIII

Le Loup montre les dents


— Nous devrions, je pense, redoubler de précautions, dit Kenneth, en s’adressant au guide. Je sais bien que je n’appartiens pas directement à votre brigade, et que j’ai peu de droit de conseiller un homme aussi expérimenté que vous ; cependant, je me permettrai de vous engager à confier les postes dangereux à vos meilleurs trappeurs, afin de bien garder la chère enfant qu’il est de leur devoir de protéger.

— Je ne négligerai pas votre avis, jeune homme ; car il est dicté par un sentiment amical, et vous me semblez vraiment avoir quelque connaissance de notre genre de vie. Mais si ce n’était pas une indiscrétion, je vous demanderais quel vent vous a poussé sur cette mer d’aventures ? Vous êtes un habitant du vieux Kentucky, je le vois. Il y a un bon bout de montagnes et de prairies entre vous et le pays de Daniel Boone.

En disant ces mots, Saül Vander attachait sur Kenneth un regard qui attendait une réponse.

— Votre curiosité est fort naturelle et excusable, répliqua Kenneth, avec quelque embarras. Croyez-moi, je ne suis qu’une épave jetée ici par le flot des circonstances. En vous racontant ces circonstances, vous ne seriez guère plus avancé. Supposez que je suis venu pour tenter fortune dans la traite des pelleteries, ou que l’amour des émotions m’a entraîné dans ces solitudes. Que fait