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ni délaisser le compagnon que le hasard lui avait donné. Enfonçant donc les éperons dans le ventre de son cheval, il reprit le galop. Tout à coup, au moment où il venait de franchir un arbre abattu par la tempête, Kenneth aperçut un Pied-noir étendu sur le sol, en proie à l’agonie de la mort. À sa vue le jeune aventurier frissonna. C’était un spectacle bien propre à effrayer ! L’Indien avait le crâne partagé en deux, de l’os occipital au menton. Il possédait une puissante main, celui qui avait appliqué un pareil coup ! Se rappelant que le quaker portait une hache, Kenneth eut un instant l’idée qu’il pouvait bien être le propriétaire de cette main ; mais il se rappela aussi que c’était un homme de paix, qui répugnait à l’effusion du sang !

Iverson passa outre, et il allait pénétrer plus avant dans le bois, quand un sauvage s’élança sur lui en poussant un cri terrible. Il était d’une taille herculéenne et brandissait un tomahawk dont il chercha à frapper notre ami. Par bonheur, celui-ci se baissa, et la masse, au lieu d’atteindre et de fracasser la tête, toucha l’épaule. Le choc fut si violent que Kenneth perdit les étriers et tomba à terre. Malgré sa douleur et un étourdissement passager, il se releva avec l’agilité d’un chat, et se précipita sur son adversaire, en cherchant à l’étreindre dans ses bras. C’était chose difficile, car le sauvage était à demi-nu, et les doigts glissaient sur sa peau huileuse. Cependant, grâce à sa prestesse et à la force musculaire dont il était doué, Kenneth parvint plusieurs fois à saisir et à renverser son ennemi. Mais à peine croyait-il le tenir sous lui, que l’Indien lui échappait comme une anguille et qu’il fallait renouveler la lutte. Sentant que sa vigueur faiblissait, Kenneth résolut de concentrer et déployer tout ce qui lui en restait dans un suprême effort. Il attendit quelques secondes, puis se jeta à la gorge du Peau-rouge avec l’intention de l’étrangler. Cependant, quoiqu’il eût parfaitement pris ses mesures, cette tentative échoua, et son antagoniste en profita pour lui donner un croc-en-jambes qui lui fit perdre l’équilibre. Dés qu’il fut abattu l’Indien lui planta ses genoux sur la poitrine et se prépara à le scalper. Mais à cet instant, un aboiement furieux déchira l’air. À l’aboiement succéda un hurlement de douleur, et le Pied-noir lâcha prise pour rouler à côté de Kenneth. Palpitant d’une atroce émotion, celui-ci se leva et aperçut Calamité qui se battait avec acharnement contre le sauvage.

Ce combat fut de courte durée. Avant même que Kenneth fût