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ordre à mes affaire, je repassai l’Atlantique et arrivai au lieu où vous étiez né. Ou m’annonça votre départ pour le Nord-ouest. Je courus à Montréal, où un agent m’apprit que vous vous étiez engagé au service de la Compagnie de la baie d’Hudson. Il était facile alors de vous suivre. Me joignant à un petit parti, je montai à la rivière Rouge par les Grands Lacs. À Selkirk, on me raconta votre duel avec Mark Morrow, et l’entrée en campagne de la brigade des trappeurs, dont cette jeune personne formait une si intéressante fraction. Reliant toutes les circonstances, je conclus que je vous trouverais peu loin de cette compagnie de chasseurs, et j’étais sur sa piste quand, heureusement, je vous rencontrai avec votre excentrique ami, Nick Whiffles. Désirant éprouver votre caractère, tout en déguisant le mien, je pris le maintien et la langue d’un quaker, rôle que j’ai rempli plus ou moins bien, comme vous avez pu en juger.

— Ce qui fut un péché de déception, et rien n’est plus vil et abominable : o-h, a-h ! rejanna Nick.

Ahram sourit, et Kenneth lui serra la main avec effusion.

— J’ai souvent excité votre curiosité et vos soupçons, continua le premier ; souvent même je me suis attiré la colère de Nick Whiffles. J’ai eu quelquefois plaisir à taquiner et mystifier notre ami. C’est moi, vous comprenez, qui suis le « tueur mystérieux. » Je dépêchais nos ennemis de la manière la plus aisée et la plus expéditive possible, afin de conserver mon prétendu caractère. La cruauté infernale des Pieds-noirs envers leurs prisonniers soulevait surtout mon ressentiment. Je ne pouvais leur pardonner d’avoir, un jour, martyrisé, sous mes yeux, mais sans que je pusse la secourir, une belle et pauvre jeune fille, que j’aimais bien, moi aussi, dans le temps… Enfin ! je vous conterai cela un jour… J’ai même, je crois, été charitable pour eux, car celui qu’atteignait cette hache était à Jamais délivré des peines de ce monde.

— Ô ! Dieu, oui ! s’écria Nick, et, en considérant que ceux qui ont profilé de votre charité étaient nos ennemis, nous devons être les derniers à vous blâmer. Je vous ai parlé un peu rudement quelquefois, Largebord, mais je pense que vous êtes assez généreux pour oublier et pardonner. Vous êtes un brave, et quiconque dira le contraire, s’exposera à une maudite petite difficulté.