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Le jeune homme commença au milieu d’un sombre silence :

« Chris Carrier, que le diable t’emporte, maladroit ! Comme je te l’ai déjà dit, tu ne sais rien faire qu’à demi : par une pitoyable sottise de ta part, Le Loup a échappé à la noyade, et il est retourné à son infâme tribu, où il nous prépare quelque vilain tour de sa façon. Comment a-t-il pu se sauver ? Peut-être le sais-tu mieux que moi. Peut-être avait-il un couteau caché dans sa poche et a-t-il réussi à couper la corde qui tenait la pierre fixée à son cou. Mais, pourtant il avait les mains liées. C’est bien singulier. J’éclaircirai ce mystère, il le faut.

» En tout cas, tu vas courir après Jean Brand et les autres. Tu les feras changer de route ; ils doivent mener ailleurs la jeune fille, tu m’entends ! Le Loup est à sa recherche avec une bande de maudits Pieds-noirs. Traverse la Saskatchewan avec Brand et cachez-la dans le voisinage de l’autre rive. C’est le meilleur plan. Je vous rejoindrai aussi vite que possible, mais j’ai peur que tout ne tourne contre moi, car ça va de mal en pis. Enfin, si tu réussis, je te récompenserai libéralement. Tu sais que l’argent ne me coûte guère et que je sais me souvenir de ceux qui m’ont servi. Ce que je t’ai déjà donné est une garantie de ce que je te donnerai si le succès couronne notre entreprise. Je me suis assuré l’aide d’un parti d’Indien, pour surveiller ce petit misérable d’Iverson. Nous te tiendrons bientôt dans nos trappes. Quant, à Saül Vander, je m’en charge. Il n’y a rien à redouter de lui. Seulement, prends toujours bien garde à la dent du Loup. Et si, par bonheur, tu peux loger une balle dans le cerveau de cet imbécile de gros quaker ou lui faire sentir les effets du baume d’acier, tu me comprends ?… On m’a dit à Selkirk que Nick Whiffles respirait encore ; mais ça doit être une fausse rumeur. Je n’y crois point pour ma part. Les poissons à qui il a a servi de régal sont encore là pour l’attester. Enfin, rappelle-toi mes instructions. Tu as ta fortune entre tes mains, songes-y. »

— Arrêtez , arrêtez ! s’écriait déjà Nick. Je n’en veux pas entendre davantage, non pour le sûr. Servir de régal aux poissons, à des vermines de cette espèce, moi, Nick Whiffles ! Ô le gueux des gueusards ! Si je pouvais seulement lui poser le bout de la patte su l’échine ! Il apprendra à connaître Nick Whiffles. Je le jure, oui