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— Mais vous ne le connaissez donc pas ?

— Cela importe peu. Je suis prudent et bien armé ; n’ayez pas d’inquiétude. Tout se passera pour le mieux.

— Alors, dit le trappeur, avec plus d’émotion qu’il n en voulait montrer, permettez-moi de vous recommander la défiance, et si j’osais…

— Une poignée de main ! s’écria Kenneth voyant qu’il avançait timidement la main.

Et il lui pressa cette main avec effusion.

Puis il se porta d’un pied ferme vers Morrow qui l’attendait à quelques pas de là.

Chris et Jean avaient fait halte au coin du bouquet de sapins.

Kenneth et Mark se saluèrent froidement et s’étudièrent pendant une minute.

Le premier, Morrow rompit le silence.

— Vous savez, j’espère, monsieur, pourquoi vous êtes venu ici, dit-il d’un air arrogant.

Iverson s’inclina avec courtoisie.

— Pour nous battre… à mort, poursuivit Mark, mâchant, pour ainsi dire, les mots entre ses dents.

— Soit, monsieur.

— Nos armes…

— Nos armes, monsieur, seront le pistolet. Je suis l’insulté, par conséquent le choix des armes m’appartient.

— Comme il vous plaira, répondit Morrow. Pistolet, carabine ou poignard, pour moi l’un vaut l’autre. Ce soir, les loups festineront sur votre cadavre.

Iverson dédaigna de répliquer à cette ridicule bravade.

— Nous nous battrons donc au pistolet, dit-il au bout d’un instant.

— C’est entendu. Quelle distance ? Ne craignez pas de l’allonger ; je fais mouche à quarante pas neuf fois sur dix.

Ces paroles furent prononcées avec toute la suffisance d’un bravo de profession.

— La distance sera la longueur d’un bras, répondit Kenneth sans paraître remarquer les manières vaniteuses de son antagoniste.

— Vous avez dit ? s’écria Mark, imaginant que ses oreilles l’avaient trompé.

— J’ai dit, monsieur, que nous nous battrions à longueur du bras et avec un seul pistolet chargé.