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CHAPITRE XLIII

La squaw muette


Goliath commença de la sorte sa jérémiade :

— À quoi bon vaguer ainsi, capitaine ? Voilà quatre jours que nous avons laissé le fort Garry et nous n’avons rien fait que marcher, marcher. Si j’avais su que vous vous disposiez à une semblable tournée, du diable si je serais venu ! Vous et Saül n’avez pas l’air d’être faits comme les autres. Dans quelle maudite partie du monde sommes-nous ? Est-ce que nous rencontrerons encore ces venimeux serpents ?

— Nous ne voulions pas de votre compagnie ; vous êtes libre de retourner si ça vous fait plaisir, répliqua Kenneth.

— C’est facile à dire, mais comment retourner ? comment ? Je serais bientôt perdu si j’essayais. Me perdre serait le point culminant de mes pertes. Et voici cette gredine d’Indienne qui s’est attachée à nous depuis le second jour de notre départ. Que veut-elle ? je me le demande ! Elle a la mine d’une chouette qui a perdu ses petits. Avec la peinture qui recouvre son vilain bec, on pourrait peindre une maison. Elle me met mal à mon aise, la coquine ! On dirait que c’est Perscilla Jane ! Que je sois pendu si ça n’est pas !

Le personnage auquel Goliath faisait allusion était une longue et maigre squaw, montée sur un grand cheval osseux, qui s’avançait lentement derrière le débitant de whiskey, dont la place, dans l’ordre